mercredi 17 décembre 2014

"Il n'y a plus qu'à faire"

Le forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique a réussi la plupart des paris
de ses instigateurs (essentiellement parisiens) : faire discuter des Africains, pour constituer un socle (essentiellement doctrinal) aux politiques de sécurité africaine qui restent à bâtir.
Sans ce socle, pas de sécurité possible, comme l'ont reconnu bien des interlocuteurs croisés à Dakar.
Mais sans militaires non plus, et c'est sans doute le seul reproche que je formulerai : on a finalement peu parlé de militaires, qu'ils soient français, africains, japonais ou américains. Ceux qui auront finalement eu le plus de visibilité furent les casques bleus, aussi parce que l'Afrique et ses désordres en consomme une grande quantité dans des opérations de maintien de la paix.
Ce paradoxe mis à part, le forum de Dakar a sans doute calmé les craintes de l'OUA -qui craignait de se voir dépossédée de toutes les formes de réflexion-, mais aussi des Cassandres qui pensaient les Africains incapables d'être lucides sur leurs nombreuses limites et des voies d'améliorations possibles.
Les voix de chercheurs et de politiques de tous horizons ont bien montré qu'il manquait un cénacle pour que ces voix se fassent entendre. Les Occidentaux et Japonais présents à Dakar ont peut-être découvert de nouveaux interlocuteurs.
IBK, le président malien, a décroché la palme du discours le plus construit (félicitation à sa plume). Et Idriss Deby a réussi sans doute à faire trembler quelques cerveaux français, en évoquant les limites de l'intervention de 2011. Au passage, il a glissé finement quelques peaux de banane sous les pieds de l'OTAN et du gouvernement français d'alors (1).
Sans que l'on sache directement à quoi s'adressait précisément la remarque, Jean-Yves Le Drian, lui, a rappelé une des phrases fétiches de sa grand-mère : "il n'y a plus qu'à faire". Depuis septembre, le ministre français, qui dispose d'un grand crédit chez les potentats présents à Dakar cette semaine, martèle tous les risques du sud-libyen. La plupart des orateurs de la dernière session l'ont fait remarquer, le sud libyen est une foire aux armes responsable de la destabilisation de la sous-région.
Il aurait même vu naître le dernier fils de Mokhtar Belmokhtar, le chef terroriste qui émarge dans le haut de la liste d'une quinzaine de noms, dressée par les Français en 2013.

(1) le chef d'état tchadien, un rien cabotin, a même réussi à plusieurs reprises à faire rire la salle, ce qui n'est pas arrivé beaucoup de fois en 48 heures à Dakar. Déby détient pourtant une des clés des problèmes africains : son pays se retrouve propulsé à la tête du conseil de sécurité de l'ONU...