mercredi 5 octobre 2011

90 minutes au coeur de l'anti-terrorisme

Pendant 90 minutes captivantes, le juge antiterroriste Marc Trévidic a ce matin éclairé les auditeurs du cercle Stratégia de Défense et Stratégie sur les liens désormais indissociables entre terrorisme et internet. Il a clairement décortiqué le glissement de ce qui n'était à l'origine qu'un simple tube pour la propagande, vers un canal pour le recrutement, -sans rien perdre de sa vocation initiale- et les échanges d'information. Ainsi en va-t-il par exemple de la transmission de données liées au fonctionnement de la Hawala, un système dématérialisé de transmission d'argent qui a relégué les porteurs de valises aux images d'Epinal.
Le juge a aussi rappelé comment les terroristes avaient professionnalisé les contenus internet pour les rendre "attractifs", n'hésitant pas à choisir les meilleurs morceaux des vidéos tournés par leurs propres correspondants de guerre en Irak, et comment ils s'associaient, dans le monde entier, avec des sites islamistes, pour les diffuser et les faire traduire dans la langue locale (1).
Le magistrat instructeur a également cité d'autres exemples, difficiles à restituer, alors que livrer un détail de la lutte est donner une information à ceux qui la traquent. Alors que déjà, la procédure elle-même livre souvent aux terroristes une partie des modes opératoires des enquêteurs, qui doivent en permanence en trouver d'autres.
Il a enfin évalué les outils mis à sa disposition, en constatant qu'ils étaient bien au-dessus de la moyenne de ceux confiés à des magistrats travaillant sur le droit commun. Il s'est félicité des nouveaux dispositifs induits par la LOPPSI 2, notamment en matière de sonorisation d'ordinateurs, ainsi que de la "souplesse des relations" induite par la convention de Schengen. Mais, a-t-il aussi constaté, il faudrait pouvoir mieux transmettre les savoirs d'une génération à l'autre, en évoquant la DCRI, organisme désormais au centre de la lutte anti-terroriste.


(1) on constate, dans cette même guerre de la com que les insurgés afghans et leur relais au Pakistan proposent plus de contenu sur internet que les pays de l'ISAF. Certes, on est loin, côté insurgé, de sites proposant de l'information, mais c'est aussi loin d'être le cas du côté des occidentaux.

Marc Trevidic est l'auteur de "Au coeur de l'antiterrorisme" (Editions Jean-Claude Lattes) et président de l'association française des magistrats instructeurs.