mercredi 23 juin 2010

Révisons le Livre Blanc...

... demandent deux élus (socialistes), la députée Patricia Adam et le sénateur Didier Boulaud. Les deux élus constatent, ce que certains ont déjà noté : il sera vraisemblablement impossible de tenir le modèle annoncé du Livre Blanc, en supprimant cinq milliards de crédits budgétaires en trois ans.
Voici leur argumentaire commun, diffusé ce soir sous forme d'un communiqué de presse. Peu d'entre vous ayant accès à ce document, je le livre intégralement :
"Les récentes modifications de priorités politiques du chef de l’Etat et du Gouvernement font entrer notre pays dans un cycle de rigueur budgétaire dont le terme n’est pas prévisible. Selon les informations recueillies au Parlement, le Gouvernement souhaite supprimer au total plus de 20 milliards d’euros de crédits budgétaires sur les trois années à venir.
Nul n’imagine que le ministère de la défense puisse être épargné. Pire, les éléments d’information épars dont disposent parlementaires, militaires, agents civils du ministère de la défense et journalistes laissent craindre que la défense nationale soit la première victime des coupes de crédits drastiques en préparation.
Cette perspective nous inquiète à trois titres.
Premièrement, le ministère de la défense est mis à contribution sans interruption depuis la décision du président Chirac de basculer vers un modèle d’armées professionnelles. Depuis lors, notre défense nationale est en restructuration permanente, soit pour financer la professionnalisation, soit en raison de la nécessité de financer de mauvais choix d’équipement. Notre modèle d’armées n’a donc pas été stabilisé depuis 1996.
Deuxièmement, un tour nouveau a été pris depuis mi-2007. Le vaste plan de restructuration qui a été engagé constitue assurément un nouveau choc pour le personnel du ministère de la défense, militaire et civil. Or les bénéfices que le Gouvernement espère en tirer nous paraissent aléatoires et sont désormais, de toutes façons, totalement effacés par la nécessité dans laquelle il va se trouver de supprimer des emplois supplémentaires, d’abandonner de nouvelles implantations géographiques, d’annuler ou de différer ces commandes de matériels qui constituaient jusqu’alors sa première priorité.
Troisièmement, l’annulation massive de crédits du ministère de la défense aura des conséquences singulières. La restructuration supplémentaire ne pourra porter que marginalement sur les crédits de rémunération et de fonctionnement puisqu’ils sont déjà en voie de réduction et que les effets attendus ne seront perceptibles que dans un avenir plus ou moins lointain. Ce sont donc les crédits d’investissement qui pâtiront particulièrement des mesures d’austérité à venir. Or ces crédits d’investissement permettent au premier chef à nos troupes de disposer du matériel adapté à leurs missions. Elles seront donc les premières victimes de la réorientation de votre politique budgétaire. De surcroît, ces crédits d’investissement supprimés manqueront à nos industriels nationaux, dans un secteur économique qui a besoin d’investir pour rester au premier rang international, qui est le premier poste bénéficiaire de notre commerce international et qui offre à notre pays des emplois de haute qualification bien rémunérés. Il est donc à craindre que le remède s’avère pire que le mal.
Mais au-delà, l’impasse dans laquelle se place le Gouvernement remet en cause le texte fondateur de notre stratégie nationale. Le président de la République avait fixé à l’été 2007 ses ambitions financières pour notre défense. C’est sur cette base qu’a travaillé la commission du livre blanc de la défense et de la sécurité nationales. C’est sur cette base qu’ont été dimensionnés le contrat opérationnel de nos armées et le format de nos forces. C'est sur cette base, enfin, qu'a été bâtie la loi de programmation militaire pour les années 2009-2014. Or, les objectifs fixés ne seront manifestement pas atteints en supprimant les crédits de la défense, et sans les recettes exceptionnelles attendues.
La suppression de 5 milliards d’euros de crédits dans les trois années à venir entraînerait mécaniquement l’obsolescence du contrat opérationnel et du format des forces. Autrement dit le livre blanc de la défense et de la sécurité nationales serait lui aussi obsolète.
En réalité, nous considérons que les orientations et propositions de ce Livre blanc sont rendues en grande partie d’ores et déjà caduques par la « surprise stratégique » que constitue l’évolution des finances publiques depuis dix ans.
Il est nécessaire donc de procéder d’urgence à une révision des orientations qui y ont été tracées, cette révision ne peut avoir lieu que dans un cadre parlementaire. Les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat devront être au cœur du processus de révision."